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Les tantouzes flingueurs

samedi 1er juillet 2000, par machin

Encore une fois, le traditionnel mois de Juin et sa marche de la fierté gay et lesbienne (sic) se sont terminés, avec leurs flonflons et leurs nouveautés. Petit bilan.

Qu’on le veuille ou non, la gaypride de cette année aura été marquée par deux nouveautés majeures, ou en tout cas la confirmation d’évolutions fondamentales :

- De revendicative, la gaypride est (presque) devenue consensuelle. Le mot d’ordre de cette année (L’homophobie est un fléau social), bien que faisant echo aux années 60, ne pouvait qu’attirer tous les gens "de bonne volonté", malgré le fourre tout que regroupe aujourd’hui ce mot.
Peu de monde aujourd’hui, en effet, approuve et défend le principe de la discrimination - qu’elle soit raciale, physique, sexuelle, ou autre -, même si le sens du mot "discrimination" reste à définir. Notre société, fruit d’une longue évolution, semble prête à accepter, à défaut de comprendre, la différence ; et à ne plus admettre qu’une personne soit jugée sur son apparence, comme seul et unique critère, et non pas sur ce qu’elle est vraiment, sur ses qualités et ses défauts, sur sa personnalité.

Le résultat était là : une marche plutôt moins provocatrice que les années précédentes, où l’attention était presque plus portée sur les chars des associations de deux grandes écoles françaises (Mousse de Sces Po et In & Out de HEC) que sur les drags queens et autre gogos danceurs ; et où les badauds et autre spectateurs étaient presque plus nombreux (100 à 130.000) que les marcheurs eux même (100.000, chiffres de la police, implicitement admis par les organisateurs car non contestés).

- Par ailleurs, avec plus de 80 chars participants à ce grand défilé carnavalo-revendicatif, la gaypride 2000 a été - de loin - la plus importante de ces dernières années, et consacre l’explosion du business gay et la reconnaissance de la niche marketing que constituent les homosexuels.
A part l’affichage - très remarqué - de quelques sponsors inhabituels, tel Rue du Commerce sur le char d’In&Out, il fallait noter les chars vantant les sites gays sur internet.

Car c’est là l’autre nouveauté de ce mois de juin : l’arrivée, le déferlement presque, de sites pour les homosexuels, qui sortent du placard et visent la reconnaissance. Entre les sites rachetés par les américains, ceux créés ex-nihilo par des portails généralistes, les coups marketing de nouveaux convertis à la net-économie, et les "vieux de la vieille", quelques tendances sont à dégager.

- L’internationalisation (la mondialisation, préfèreront certains) passe mal dans le net gay français.
Entre le rejet pur et simple exprimé par certains internautes qui ne jurent que par une nouvelle sorte "d’exception culturelle française", et les doutes des rares sites encore associatifs, tels Media-G ou Adventice, le regard est de toute façon critique, voire caustique. Les deux analyses parlent d’elles même, inutile donc de les plagier.

- La concurrence se fait de plus en plus rude.
Avec l’arrivée de capitalistes à la tête de ces nouvelles entreprises gays, la survie devient une nécessité et semble pousser dans d’étranges retranchements, comme ne parler de ses concurrents que pour les dénigrer pour l’un ou, selon certaines rumeurs, détourner du contenu, pour un autre.
Plus grave encore, pour des sites qui se veulent à contenu journalistique, il semble y avoir une surenchère du militantisme au dépend de l’objectif (par exemple, les compte rendus de la gayride ne parlent que de la présence d’hommes politiques de gauche, en escamotant soigneusement l’évolution majeure que constitue le soutien que la droite française, via P. Séguin, a apporté à la gaypride dans une lettre publique et via la présence de plusieurs de ses lieutenants à la marche).
L’iniative du Suédois Spray.fr, au travers de son portail gay Yarps, est à ce titre intéressante et méritoire, puisqu’elle se veut "neutre", en ne relayant pas de revendication communautaire, à part le droit à l’indifférence. Cette position, décriée par les militants de la cause homosexuelle, ressemble fort pourtant à la position de Vincent, "membre actif du MAG" : Je ne suis pas fier d’être homo, je suis fier de ne pas en avoir honte .
Il est en tout cas enfin temps que soit reconnu le droit à la différence au sein de la "communauté" homosexuelle, et des différences d’opinions.

- Les plus reconnus ne sont pas ceux que l’on croit
Au palmarès des interviews, citations et sondages sur le web gay de ces derniers mois, deux sites s’en sortent haut la main, qui ne partaient pourtant pas vainqueurs :

  • Media-G, qui commence enfin à connaître la reconnaissance d’un travail de fourmi effectué depuis de longues
    années
  • Adventice, qui dit refuser la logique commerciale de l’internet gay (mais combien de temps pourront-ils encore résister ?), et qui prouve qu’un travail de qualité est tout autant -sinon plus- apprécié que l’erzatz de contenu destiné à attirer le chaland sur les grands sites généralistes commerciaux.

Enfin, il faut souligner qu’à la différence de ce qui se fait dans d’autres pays, les sites gays français n’intègrent toujours pas de rubriques HIV/SIDA. Ce n’est certes pas très vendeur, moins en tout cas que revendiquer "le droit des gays à l’adoption". Mais pour des sites qui se proclament représentatifs de la communauté homosexuelle, c’est oublier un peu vite

- que 120.000 personnes, en France, sont contaminées par le virus HIV , et que douze personnes sont contaminées par jour
- que les homosexuels restent la principale population à risque (même si maintenant une contamination sur trois est celle d’une femme hétérosexuelle, contre une sur dix il y a sept ans) ;
- que le manque d’information, d’éducation, et la fausse croyance que la trithérapie a résolu tous les problèmes ont amnené à un relachement dangereux en matière de prévention et d’utilisation des préservatifs.

Après le débat dans la société française, c’est maintenant au sein de la communauté gay que vont se jouer les choses.
Communautarisme à l’américaine contre l’intégration française, droit à la différence contre droit à l’indifférence, fierté d’être homosexuel contre fierté de ne pas en avoir honte, tous ces grands chambardements permettront peut être enfin d’en finir avec les idées reçues de gays qui ne veulent voir, au nom d’un combat politique, qu’une vision monolithique de la société et de l’Homme et pour qui toute relation n’est jamais que combative, et adoptent avec délectation les méthodes qu’ils décrient eux même

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